Taxer les sodas dissuade-t-il les ados d’en consommer ?

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La taxe « sodas »

La Belgique est la championne d’Europe de la consommation de sodas 1, et la consommation y est surtout élevée chez les jeunes. L’Organisation mondiale de la santé recommande une série de mesures pour réduire la consommation des sodas, notamment leur taxation 2. Le but de cette taxe est de dissuader les consommateurs d’acheter des sodas en faisant augmenter leur prix. Cette mesure de santé publique se distingue donc d’autres mesures basées sur l’éducation à l’alimentation favorable à la santé. Fin 2020, 45 juridictions (pays, villes ou régions) dans le monde avaient introduit de telles taxes (figure 1) 3.

La Belgique a également mis en place une taxe sur les sodas. En janvier 2016, le gouvernement fédéral a remonté la taxe préexistante de 0,03 à 0,07 €/litre, puis, en janvier 2018, de 0,07 à 0,12 €/litre. A noter que la taxe s’applique aux producteurs de sodas. Ainsi, l’augmentation du prix pour les consommateurs peut varier d’un produit à l’autre 5, mais l’on peut estimer que ces deux taxes ont augmenté le prix des sodas d’environ 3-4% chacune 6.

Effets attendus des taxes sur la consommation des sodas

Il est estimé qu’une taxe augmentant le prix de 20% réduirait la consommation des boissons taxées de 20% 7. En d’autres termes, si le prix des sodas augmentait de 1,50 à 1,80 €/litre, la consommation moyenne de sodas serait réduite de 250 à 200 ml/jour. Toutefois, les études sont souvent basées sur des données de vente ou d’achat, agrégées au niveau des magasins ou des ménages, et non des données sur la consommation individuelle. Rares sont les données informant sur la consommation des personnes à l’intérieur des ménages.

Or, cette information est importante pour comprendre comment les taxes pourraient agir sur la consommation des enfants et des adolescents. De plus, la plupart des études qui se sont intéressées à l’effet des taxes sur les jeunes ont été menées aux USA 8, 9. Ces études ont montré un effet moindre de la taxe sur la consommation de sodas chez les enfants et adolescents, comparés aux adultes 10, 11. Dès lors, il est intéressant d’étudier l’impact potentiel de telles taxes dans d’autres pays, comme la Belgique.

Méthodologie utilisée

L’enquête Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) est réalisée tous les 4 ans en Europe. En Belgique, des écoles néerlandophones et francophones sont sélectionnées au hasard dans le but d’avoir un échantillon représentatif d’adolescents. Dans ces écoles, les adolescents sont interrogés sur leur santé et leur bien-être au moyen d’un questionnaire anonyme. Entre 2002 et 2018, la consommation en sodas a été évaluée au moyen d’un court questionnaire de fréquence alimentaire validé. Pour notre analyse, nous avons inclus 29 619 adolescents (50% de filles) âgés de 13 et 15 ans. Afin de comparer les évolutions de consommation de sodas en Belgique avec celle d’un pays similaire mais qui n’a pas introduit de taxe, 14 744 adolescents des Pays-Bas (50% de filles) ont servi de « contrôles ». Tous les adolescents ont été classés en trois groupes de consommateurs de sodas : quotidiens (≥1x/jour), hebdomadaires (1-6x/semaine) ou occasionnels (<1x/semaine). Nous avons ensuite étudié l’évolution de ces trois groupes de consommateurs avant et après la mise en place de la taxe. Notre hypothèse était que la taxe induirait une baisse de la proportion des consommateurs quotidiens et une augmentation de celle des consommateurs occasionnels.

Effets limités de la taxe sur les ados belges

La figure 2 montre qu’il y a eu une réduction de la consommation quotidienne de sodas en Belgique entre 2014 et 2018. La proportion est passée de 35% à 28%, soit une réduction d’un cinquième. Cette réduction était toutefois plus faible que celle observée aux Pays-Bas pour cette même période. En Belgique, la consommation hebdomadaire de sodas a, elle, augmenté de 42% à 47%. Cette augmentation était similaire à celle observée aux Pays-Bas. Quant à la prévalence de la consommation occasionnelle de sodas, elle a légèrement augmenté de 21% à 23% en Belgique. Cette légère augmentation était cependant inférieure à la hausse de la consommation occasionnelle de sodas observée aux Pays-Bas entre 2014 et 2018. A noter aussi que la consommation quotidienne de sodas était déjà en cours de diminution depuis 2002 dans les deux pays, mais de façon plus marquée aux Pays-Bas.

Conclusion

En Belgique, une réduction de la consommation quotidienne de sodas a été observée chez les adolescents après la mise en œuvre de taxes. Toutefois, cette diminution était plus faible que celle observée aux Pays-Bas, sans taxe pendant cette même période. Ceci pourrait peut-être s’expliquer par le faible taux de la taxe belge (2x 3-4%), alors que les taxes sont considérées comme efficaces à partir de 10-20%. Une taxe plus élevée serait donc nécessaire en Belgique pour espérer un effet marqué sur la consommation des sodas. Ce constat souligne aussi l’importance de combiner différents types de programmes et politiques de nutrition pour avoir un effet significatif sur la consommation des sodas, et plus largement des boissons sucrées. Chez les jeunes, la combinaison de programmes d’éducation nutritionnelle (p.ex. information sur le risque sanitaire de surconsommation) avec des politiques alimentaires en milieu scolaire réduisant la disponibilité des boissons sucrées et facilitant l’accès à l’eau sont en effet des mesures efficaces pour réduire la consommation régulière de ces boissons 12, 13.

Ces résultats sont en cours de publication dans une revue à comité de lecture : Chatelan A, Rouche M, Dzielska A, Fismen AS, Kelly C, Pedroni C, Desbouys L, Castetbon K. Sixteen-year trends in adolescent soda consumption in six European countries with a soda tax and comparison countries: a repeated cross-sectional survey analysis. Vous trouverez divers résultats de l’étude internationale HBSC en suivant ce lien : http://www.hbsc.org/. Si vous souhaitez plus d’informations sur les résultats de l’étude HBSC en Belgique francophone, des brochures détaillées sont disponibles sur le site web du SIPES : http://sipes.ulb.ac.be/

Notes et références

  1. European Statistical Office (Eurostat). How often do you drink sugar-sweetened soft drinks? Available from: https://ec.europa.eu/eurostat/web/products-eurostat-news/-/ddn-20210727-1. ↩︎
  2. World Health Organization (WHO). Taxes on sugary drinks: Why do it? Geneva: WHO; 2017 ↩︎
  3. Popkin BM, Ng SW. Sugar-sweetened beverage taxes: Lessons to date and the future of taxation. PLoS Med. 2021;18(1):e1003412. ↩︎
  4. Cf. 3 ↩︎
  5. Colchero MA, Salgado JC, Unar-Munguia M, Molina M, Ng S, Rivera-Dommarco JA. Changes in Prices After an Excise Tax to Sweetened Sugar Beverages Was Implemented in Mexico: Evidence from Urban Areas. PLoS One. 2015;10(12):e0144408. ↩︎
  6. Teng AM, Jones AC, Mizdrak A, Signal L, Genc M, Wilson N. Impact of sugar-sweetened beverage taxes on purchases and dietary intake: Systematic review and meta-analysis. Obes Rev. 2019;20(9):1187-204. ↩︎
  7. Cf. 6 ↩︎
  8. Cawley J, Frisvold D, Hill A, Jones D. Oakland’s sugar-sweetened beverage tax: Impacts on prices, purchases and consumption by adults and children. Econ Hum Biol. 2020;37:100865. ↩︎
  9. Cawley J, Frisvold D, Hill A, Jones D. The impact of the Philadelphia beverage tax on purchases and consumption by adults and children. J Health Econ. 2019;67:102225. ↩︎
  10. Cf. 8 ↩︎
  11. Cf. 9 ↩︎
  12. von Philipsborn P, Stratil JM, Burns J, Busert LK, Pfadenhauer LM, Polus S, et al. Environmental interventions to reduce the consumption of sugar-sweetened beverages and their effects on health. Cochrane Database Syst Rev. 2019;6:CD012292. ↩︎
  13. Avery A, Bostock L, McCullough F. A systematic review investigating interventions that can help reduce consumption of sugar-sweetened beverages in children leading to changes in body fatness. J Hum Nutr Diet. 2015;28 Suppl 1:52-64. ↩︎
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