Le statut socioéconomique des écoles : un déterminant des comportements alimentaires des ados ?

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Lorsqu’elle est accompagnée, l’adolescence pourrait être une période propice au développement de comportements alimentaires favorables à la santé et durables 1. Ces comportements déterminent leur santé actuelle et future, et contribuent à prévenir les maladies chroniques, qui causent des dizaines de milliers de décès chaque année en Belgique 2. De nombreux facteurs peuvent déterminer les comportements alimentaires des adolescents, parmi lesquels le statut socioéconomique de leurs familles. En effet, des comportements alimentaires défavorables à la santé sont fréquents chez les adolescents de familles parmi les moins favorisées d’un point de vue socioéconomique 3.

Au même titre que la situation au sein de la famille, le statut socioéconomique de l’école, qui correspond, de façon globale, au statut socioéconomique des élèves qui la fréquentent, pourrait être un déterminant majeur des comportements alimentaires des adolescents 4. En effet, l’école est un lieu où les adolescents passent une grande partie de leur journée et y disposent d’une relative liberté quant à leurs achats et consommations d’aliments. De plus, ils y vivent avec leurs pairs, avec lesquels ils partagent des intérêts et des valeurs, ce qui représente une opportunité de se différencier des habitudes alimentaires familiales.

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Toutefois, la littérature sur l’association entre le statut socioéconomique de l’école et les comportements alimentaires des adolescents est presqu’inexistante. L’intérêt plutôt récent pour le rôle des facteurs contextuels dans les comportements alimentaires et la complexité de la conception d’un tel indicateur en sont certainement les raisons. En effet, le statut socioéconomique contextuel, tel que celui de l’école, est généralement obtenu par la combinaison des caractéristiques des élèves et de leurs familles 5, données qui ne sont pas toujours disponibles.

En Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) et sur base des travaux d’une équipe interuniversitaire, un indice socioéconomique a été développé pour les écoles 6. Cet indice est calculé à partir des valeurs de différents indicateurs caractérisant les ménages des élèves de ces écoles ; il est mis à jour chaque année. Cet indice combiné aux informations collectées auprès des adolescents de l’enquête Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) de 2018, ont permis de décrire l’association entre le statut socioéconomique de l’école et les comportements alimentaires des adolescents en école secondaire de la FWB. Ces analyses ont porté sur 6 017 adolescents de 120 écoles secondaires.

Les habitudes alimentaires des adolescents ont été mesurées par un court questionnaire de fréquence alimentaire lors de l’enquête HBSC 2018 en FWB. Les consommations de cinq groupes alimentaires ont été analysées en « consommation quotidienne » vs. « consommation non quotidienne ». Les consommations quotidiennes de fruits, de légumes et d’eau sont considérées comme des comportements alimentaires plutôt favorables à la santé, de même que les consommations non quotidiennes de chips et frites, et de boissons sucrées.

Le statut socioéconomique des écoles a été calculé par le gouvernement de la FWB à partir de plusieurs informations concernant leurs élèves : revenus et plus hauts diplômes des ménages, taux d’activité, de chômage et de bénéficiaires d’une aide sociale, et activités professionnelles des parents. Les écoles ont ensuite été ordonnées de l’indice socio-économique le plus bas au plus élevé, et séparées en vingt catégories de taille égale (1 : écoles de statut socioéconomique le plus faible, 20 : écoles de statut socioéconomique le plus élevé), chacune comprenant 5% de la population scolaire de la FWB. Dans le cadre de ces analyses, trois catégories ont été définies : la première correspond aux écoles de faible statut socioéconomique (classes 1 à 5), la deuxième aux écoles de statut socioéconomique moyen (classes 6 à 10), et la troisième aux écoles de statut socioéconomique élevé (classes 11 à 20).

Des comportements alimentaires plus favorables dans les écoles de statut socioéconomique élevé

En 2018, un gradient socioéconomique était observé pour la consommation de légumes, et de chips et frites : une consommation favorable à la santé de ces groupes d’aliments augmentait avec le statut socioéconomique de l’école (Figure 1). Les consommations favorables à la santé de fruits, d’eau et de boissons sucrées étaient également plus fréquentes parmi les adolescents d’écoles de statut socioéconomique élevé que ceux d’écoles de statut socioéconomique faible et moyen. Il n’y avait cependant pas de différence significative pour la consommation de ces aliments entre les adolescents des écoles de statut socioéconomique faible et ceux des écoles de niveau moyen.

Même en tenant compte des caractéristiques sociodémographiques individuelles des adolescents dans les analyses, et notamment du statut socioéconomique de leurs familles, les comportements alimentaires des adolescents différaient toujours selon le statut socioéconomique de l’école : les fréquences de consommation alimentaire favorable à la santé restaient plus élevées chez les adolescents des écoles de statut socioéconomique élevé que les autres. Le gradient socioéconomique était également toujours observé pour la consommation de légumes, et de chips et frites. Ces derniers résultats soulignent que le statut socioéconomique des écoles et des familles sont liés aux comportements alimentaires des adolescents de façon indépendante, selon des processus probablement différents.

Quelques hypothèses pour comprendre ces disparités alimentaires

La littérature ayant peu étudié la question, les mécanismes à l’origine des disparités alimentaires liées à la situation socioéconomique des écoles ne sont pas établis. Seules des hypothèses peuvent donc être avancées.

Conformément à la construction de cet indicateur basé sur les caractéristiques socioéconomiques des familles, les écoles de statut socioéconomique élevé en FWB étaient davantage fréquentées par des adolescents de statut socioéconomique familial élevé, et réciproquement (données non présentées). Néanmoins, nos analyses soulignent que les adolescents d’un statut socioéconomique familial faible dans les écoles de statut socioéconomique élevé, seraient influencés par les comportements alimentaires plus favorables à la santé de leurs pairs de statut socioéconomique familial plus élevé. En effet, à cette période de la vie où les adolescents s’éloignent de leur famille, les autres élèves deviennent de plus en plus une source d’influence, notamment en ce qui concerne les comportements alimentaires 7.

Bien qu’aucune étude ne soit encore disponible en Belgique sur le sujet, il a été démontré dans d’autres pays que l’environnement alimentaire des quartiers dépend de leur statut socioéconomique 8. On observe généralement un environnement alimentaire tant en termes de disponibilité que d’accessibilité, plus défavorable dans les quartiers socioéconomiquement faibles que dans les quartiers plus favorisés. Sous réserve de confirmation par des études conduites en Belgique, les adolescents d’écoles de statut socioéconomique plus élevé en FWB sont probablement davantage exposés à un environnement alimentaire plus favorable (par exemple, moins de fast-foods, plus de supermarchés avec une offre diversifiée…), ce qui inciterait ces adolescents à adopter des comportements alimentaires plus favorables à la santé.

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Outre l’environnement alimentaire qu’elles peuvent proposer (cantines, distributeurs automatiques…), les écoles peuvent influencer les comportements alimentaires des adolescents par la mise en place de projets et d’activités en lien avec la nutrition. Néanmoins, les écoles de statut socioéconomique faible pourraient être confrontées à des problématiques qui pourraient les en empêcher. Par exemple, le retard scolaire est jusqu’à deux fois plus important dans les écoles de faible statut socioéconomique que dans celles de statut socioéconomique élevé 9. Cette situation pourrait avoir pour conséquence que les écoles de faible statut socioéconomique soient amenées à privilégier l’acquisition des connaissances prévues par les programmes, sans pouvoir mettre en place des projets complémentaires liés à la nutrition ou à la santé d’une façon générale.

Pour conclure

Le statut socioéconomique des écoles de la FWB semble être un déterminant majeur des comportements alimentaires des adolescents : des comportements moins favorables étaient observés parmi les adolescents d’écoles secondaires de statut socioéconomique faible que de statut élevé. A la différence d’autres pays, les écoles classées comme socioéconomiquement faibles ne reçoivent un soutien du gouvernement que pour l’enseignement. L’inclusion de programmes relatifs aux comportements de santé et à la santé pourraient pourtant améliorer les comportements alimentaires des adolescents. Un support supplémentaire du gouvernement pour des programmes et des activités nutritionnelles au sein de ces écoles défavorisées pourrait ainsi être une piste. De tels programmes et activités devraient être doubles pour à la fois soutenir la consommation d’aliments favorables à la santé et décourager celle d’aliments défavorables à la santé. Enfin, pour palier l’influence potentiellement négative de l’environnement alimentaire autour des écoles, elles devraient privilégier un environnement alimentaire favorable à la santé en mettant à disposition, par exemple, des fontaines à eau ou des menus attractifs et favorables à la santé dans les cantines.

Ces résultats ont été publié dans une revue à comité de lecture : Rouche M, Lebacq T, Pedroni C, Holmberg E, Bellanger A, Desbouys L, Castetbon K. Dietary disparities among adolescents according to individual and school socioeconomic status: a multilevel analysis. Int J Food Sci Nutr. 2022. https://doi.org/10.1080/09637486.2022.2031914.

Les résultats complets de l’enquête HBSC 2018 sont disponibles par brochures thématiques sur le site web du SIPES : https://sipes.ulb.ac.be.

Notes et références

  1. Patton GC, Sawyer SM, Santelli JS, Ross DA, Afifi R, Allen NB, et al. Our future: a Lancet commission on adolescent health and wellbeing. Lancet. 2016;387:2423–78.
    ↩︎
  2. Institute for Health Metrics and Evaluation. GBD Compare. https://vizhub.healthdata.org/gbd-compare/. Consulté le 29 avril 2022 ↩︎
  3. Rouche M, Lebacq T, Pedroni C, Holmberg E, Bellanger A, Desbouys L, Castetbon K. Dietary disparities among adolescents according to individual and school socioeconomic status: a multilevel analysis. Int J Food Sci Nutr. 2022:1–14. ↩︎
  4. Viner RM, Ross D, Hardy R, Kuh D, Power C, Johnson A, et al. Life course epidemiology: recognising the importance of adolescence. J Epidemiol Community Health. 2015;69:719–20. ↩︎
  5. Galobardes B, Shaw M, Lawlor DA, Lynch JW, Davey Smith G. Indicators of socioeconomic position (part 2). J Epidemiol Community Health. 2006;60:95–101. ↩︎
  6. Fédération Wallonie-Bruxelles. Indice socioéconomique des implantations, établissements et secteurs statistiques. http://www.enseignement.be/index.php?page=28576&navi=4891 Consulté le 25 avril 2022. ↩︎
  7. World Health Organisation. Nutrition in adolescence: Issues and challenges for the health sector: issues in adolescent health and development. Geneva: WHO; 2005 ↩︎
  8. Richardson AS, Meyer KA, Howard AG, Boone-Heinonen J, Popkin BM, Evenson KR, et al. Neighborhood socioeconomic status and food environment: a 20-year longitudinal latent class analysis among CARDIA participants. Health Place. 2014;30:145–53. ↩︎
  9. Fédération Wallonie-Bruxelles. Indice socioéconomique dans l’enseignement fondamental et secondaire. https://statistiques.cfwb.be/enseignement/fondamental-et-secondaire/indice-socioeconomique/. Consulté le 29 avril 2022. ↩︎
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