L’école peut-elle influencer les comportements alimentaires des ados ?

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Les comportements alimentaires des adolescents déterminent leur santé actuelle et future1. De nombreux facteurs peuvent influencer ces comportements, parmi lesquels, au niveau individuel, le genre, le niveau socioéconomique, l’origine et la structure familiale2. Parmi les déterminants environnementaux, l’école peut être un déterminant majeur de leurs comportements alimentaires3. En effet, c’est un lieu où les adolescents passent une grande partie de leur journée et y disposent en théorie d’une plus grande liberté qu’à la maison quant à leurs consommations d’aliments.

L’école pourrait ainsi influencer les comportements des adolescents par son offre alimentaire, via les distributeurs par exemple4, même si la littérature est partagée à ce sujet5 6. Les comportements alimentaires des adolescents pourraient également être déterminés à l’école par des projets en matière nutritionnelle, visant, par exemple, à limiter la disponibilité des boissons sucrées. Globalement, les différents projets qui ont été évalués de façon contrôlée ont montré une influence positive de ces actions sur les comportements alimentaires des adolescents7 8. Néanmoins, ce qu’il en est au-delà des conditions contrôlées de la recherche mérite exploration.

En 2018, l’enquête Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) a, entre autres, permis de décrire l’environnement alimentaire et les projets en matière d’alimentation des écoles. Nous avons ici analysé leur association avec les consommations alimentaires des adolescents en école secondaire en Belgique francophone. Ces analyses ont porté sur 6 017 adolescents de 120 écoles secondaires.

Les habitudes alimentaires des adolescents ont été mesurées par un court questionnaire de fréquence alimentaire. Les consommations de cinq groupes alimentaires ont été analysées en « consommation quotidienne » vs. « consommation non quotidienne ». Les consommations quotidiennes de fruits, de légumes et d’eau sont en effet considérées comme des comportements alimentaires plutôt favorables à la santé, de même que les consommations non quotidiennes de chips et frites, et de boissons sucrées.

L’environnement alimentaire de l’école a été déterminé sur base des aliments vendus à l’école. Les écoles ont été regroupées en trois catégories : (1) les écoles qui vendent très peu d’aliments, (2) celles qui vendent beaucoup d’aliments (dans les deux cas, quel que soit l’intérêt nutritionnel des aliments vendus), et (3) celles qui vendent quelques aliments mais principalement des aliments défavorables à la santé. Aucune école ne vend que quelques aliments favorables à la santé. Toutes les écoles enquêtées appartiennent donc à une des trois catégories ci-dessus.

Les écoles ont également renseigné l’existence de projets relatifs à l’alimentation comme : augmenter la consommation d’aliments favorables à la santé (par exemple, les fruits ou les légumes), limiter la consommation d’aliments non favorables à la santé (par exemple, les boissons sucrées ou les sucreries), et inclure des fruits ou des légumes aux événements de l’école.

Des habitudes alimentaires équivalentes quelle que soit l’offre

En 2018, les consommations de fruits et de « chips et frites », ne variaient pas selon que les adolescents étaient dans une école qui vendait peu d’aliments, beaucoup d’aliments ou majoritairement des aliments défavorables à la santé (Figure 1). Des différences d’amplitude minime ont été relevées pour la consommation de légumes, d’eau et de boissons sucrées (maximum 5,1%). En effet, les consommations favorables à la santé de légumes, de chips et de frites, et de boissons sucrées étaient un peu moins fréquentes parmi les adolescents scolarisés dans des écoles qui vendaient principalement des aliments défavorables à la santé, que ceux des écoles qui vendaient peu ou beaucoup d’aliments (Figure 1).

En tenant compte des caractéristiques sociodémographiques des adolescents et de celles des écoles dans les analyses, seule la consommation d’eau variait encore selon la vente d’aliments à l’école : la fréquence de consommation d’eau favorable à la santé était plus faible dans les écoles qui vendaient principalement des aliments défavorables à la santé que dans les autres écoles. En revanche, les consommations de légumes et de boissons sucrées ne différaient plus selon la vente d’aliments. Cette absence d’association après avoir tenu compte des caractéristiques sociodémographiques des adolescents et des écoles suggère que les différences initialement observées pourraient être, en partie, expliquées par ces caractéristiques sociodémographiques. Par ailleurs, nous ne pouvons exclure que l’environnement alimentaire soit une conséquence des caractéristiques sociodémographiques des écoles. En d’autres mots, les écoles socioéconomiquement défavorisées auraient plus de difficultés à mettre en place un environnement alimentaire favorable car elles font face à d’autres problématiques considérées comme plus prioritaires.

Les projets des écoles déterminent-ils l’alimentation des élèves ?

En 2018, un tiers des écoles avaient pour projet d’augmenter la consommation d’aliments favorables à la santé (33,3%) ou d’inclure des fruits et des légumes lors d’événements scolaires (35,0%). Le projet de limiter la consommation d’aliments défavorables à la santé était soutenu par près de la moitié des écoles (44,2%).

Les adolescents scolarisés dans une école qui avaient un projet en lien avec l’alimentation, quel qu’il soit, étaient proportionnellement plus nombreux à avoir une consommation de chips et de frites et de boissons sucrées plus favorable à la santé que ceux dans une école n’ayant pas un tel projet (Figure 2). En revanche, les niveaux de consommation de fruits, légumes et d’eau ne variaient pas selon la présence ou non de tels projets.

Les différences de consommation de boissons sucrées rapportées ci-dessus étaient également observées après avoir tenu compte des caractéristiques sociodémographiques des adolescents et des écoles. Alors qu’aucune association n’avait été observée précédemment, des différences pour la consommation d’eau sont à noter après avoir pris en considération les facteurs sociodémographiques. En effet, la fréquence de consommation d’eau favorable à la santé était plus faible dans les écoles qui n’avaient pas de projet visant à inclure des fruits et des légumes durant les événements. En revanche, la consommation de chips et frites ne différait plus selon les projets relatifs à l’alimentation des écoles.

En conclusion

L’environnement alimentaire et les projets relatifs à l’alimentation des écoles ne semblent pas être des déterminants majeurs des comportements alimentaires des adolescents en Belgique francophone : des tendances favorables sont relevées mais elles restent d’ampleur limitée. Compte tenu de la nature observationnelle de l’analyse, nous ne pouvons exclure que cette absence d’association soit le résultat d’une causalité inverse : un environnement alimentaire plus favorable ainsi que des projets relatifs à l’alimentation auraient été mis en place dans des écoles au sein desquelles les comportements alimentaires étaient initialement plus favorables à la santé. Bien que nos résultats ne soient pas en faveur d’un rôle déterminant de l’école sur les comportements alimentaires des adolescents, un soutien des écoles dans leurs initiatives relatives à l’alimentation reste nécessaire. A cet égard, le débat sur la suppression des distributeurs automatiques dans les écoles secondaires, initialement amorcé au début des années 2000, devrait être relancé.

Ces résultats sont en cours de publication dans une revue à comité de lecture : Rouche M, Lebacq T, Pedroni C, Holmberg E, Bellanger A, Desbouys L, Castetbon K. Dietary disparities among adolescents according to individual and school socioeconomic status: a multilevel analysis. Les résultats complets de l’enquête HBSC sont disponibles par brochures thématiques sur le site web du Sipes : https://sipes.ulb.ac.be.

Notes et références

  1. Patton GC, Sawyer SM, Santelli JS, Ross DA, Afifi R, Allen NB, et al. Our future: a Lancet commission on adolescent health and wellbeing. Lancet. 2016;387:2423–78. ↩︎
  2. Desbouys L, Méjean C, de Henauw S, Castetbon K. Socio-economic and cultural disparities in diet among adolescents and young adults: a systematic review. Public Health Nutr. 2020;23:843–60. ↩︎
  3. Viner RM, Ross D, Hardy R, Kuh D, Power C, Johnson A, et al. Life course epidemiology: recognising the importance of adolescence. J Epidemiol Community Health. 2015;69:719–20. ↩︎
  4. D’Amore S, Lepot A. Dessine comme tu manges: Les adolescents à table. Paris: Editions Fabert; 2019. ↩︎
  5. Kelly C, Callaghan M, Molcho M, Nic Gabhainn S, Alforque Thomas A. Food environments in and around post-primary schools in Ireland: associations with youth dietary habits. Appetite. 2019;132:182–9. ↩︎
  6. Kubik MY, Lytle LA, Hannan PJ, Perry CL, Story M. The association of the school food environment with dietary behaviors of young adolescents. Am J Public Health. 2003;93:1168–73. ↩︎
  7. Micha R, Karageorgou D, Bakogianni I, Trichia E, Whitsel LP, Story M, et al. Effectiveness of school food environment policies on children’s dietary behaviors: a systematic review and meta-analysis. PLoS ONE. 2018;13:e0194555. ↩︎
  8. Jaime PC, Lock K. Do school based food and nutrition policies improve diet and reduce obesity? Prev Med. 2009;48:45–53. ↩︎
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