Les ados qui dorment suffisamment sont plus enclins à petit déjeuner

Accueil > Pros > Les ados qui dorment suffisamment sont plus enclins à petit déjeuner

Image à l'une

Qui n’a jamais entendu que « le petit-déjeuner est le repas le plus important de la journée » ? A côté de cette phrase bateau, la littérature scientifique s’accorde pour dire que la consommation régulière d’un petit-déjeuner est associée à plusieurs bénéfices en matière de santé 1. Et pourtant, en 2018 en Belgique francophone, seule la moitié des adolescents prenait un petit-déjeuner quotidiennement 2 une proportion qui a d’ailleurs diminué au cours du temps 3. Pourquoi ? Certaines études ont montré que les raisons les plus communément citées par les adolescents étaient le manque de temps et d’appétit le matin 4 5. D’autre part, le niveau socioéconomique et l’environnement familial (la consommation du petit-déjeuner en famille, par exemple) ont été identifiés comme étant associés à la consommation de ce premier repas de la journée 6. Autant d’éléments éclairants pour le développement d’actions, visant à promouvoir la consommation régulière du petit-déjeuner.

Afin de mieux comprendre les facteurs liés à la consommation du petit-déjeuner chez les adolescents, nous avons exploré son éventuelle association avec le temps de sommeil, d’une part, et la fatigue matinale, d’autre part. Il a en effet été montré que le sommeil, en termes de quantité comme de qualité, pouvait influencer les habitudes alimentaires (et inversement) 7. Or, l’adolescence est une période au cours de laquelle les habitudes de sommeil changent. Les ados connaissent – pour des raisons sociales mais aussi biologiques – un décalage de leur cycle de sommeil pouvant aller jusqu’à deux heures : ils ont tendance à se coucher plus tard et à se lever plus tard. En semaine, cependant, l’heure de début des cours les contraint à se lever à la même heure que les plus jeunes, ce qui diminue leur temps de sommeil et engendre davantage de fatigue 8.

Les données de l’enquête « Health Behaviour in School-aged Children » (HBSC) menée en 2018 en Belgique francophone ont été utilisées. Il s’agit d’une étude internationale menée tous les quatre ans dans environ 50 pays d’Europe et au Canada auprès d’adolescents. En Belgique francophone, plus de 14 000 élèves de la 5e primaire à la dernière année du secondaire ont participé à cette enquête en 2018. 9 10. Celle-ci a notamment pour atout d’être multithématique et permet d’étudier les associations entre indicateurs de différents thèmes, notamment le sommeil et l’alimentation. L’analyse présentée ici est focalisée sur les élèves de secondaire dont les données pour les différentes variables analysées étaient disponibles, soit un total de 8444 élèves. Elle concernait les habitudes des adolescents en semaine (du lundi et vendredi), et non pas le week-end.

Sur base de cet échantillon, notre analyse a montré que les adolescents de secondaire dormaient, en moyenne, 8h06 les jours de semaine. Cette durée moyenne était plus élevée chez les adolescents prenant un petit-déjeuner tous les jours en semaine (8h18) que chez ceux n’étant pas dans ce cas (7h48) 11. De ce fait, les adolescents consommant chaque jour un petit-déjeuner en semaine étaient proportionnellement moins nombreux à présenter une durée de sommeil considérée comme insuffisante (Figure 1).

D’autre part, en 2018, environ un tiers des adolescents (35,8%) déclaraient se sentir fatigués le matin au lever, au moins quatre jours par semaine, les jours d’école. Ce pourcentage était plus élevé chez les adolescents ne prenant pas un petit-déjeuner tous les jours en semaine que chez ceux qui déjeunent quotidiennement (Figure 1). Ces résultats corroborent donc l’hypothèse supposant qu’une durée de sommeil inférieure et une fatigue matinale plus fréquente soient associées au fait de ne pas prendre un petit-déjeuner tous les jours, en semaine. De plus, cette conclusion restait inchangée lorsque différents facteurs, notamment sociodémographiques, étaient pris en compte dans l’analyse.

Pour aller une étape plus loin, nous avons cherché à déterminer si la fatigue matinale pouvait expliquer – en partie ou totalement – le lien entre la durée de sommeil et la prise quotidienne d’un petit-déjeuner (Figure 2). Toutefois, la fatigue matinale n’expliquait que 5% de cette association, ce qui laisse supposer que le temps de sommeil et la fatigue matinale impactent la consommation du petit-déjeuner indépendamment l’un de l’autre.

Plusieurs éléments peuvent aider à comprendre ces résultats. D’une part, le fait de se sentir fatigué le matin au réveil pourrait engendrer un manque d’appétit et diminuer la motivation des adolescents à prendre un petit-déjeuner. Ceux-ci pourraient aussi avoir tendance à se lever le plus tard possible, selon leur temps de trajet pour aller à l’école, et n’auraient donc pas suffisamment de temps avant de partir pour qu’une sensation de faim apparaisse.

Le concept de « chronotype » pourrait également contribuer à expliquer nos résultats. Il est défini comme la préférence naturelle d’un individu pour avoir des activités plutôt le matin ou plutôt le soir 12. Il existe un continuum de chronotypes entre les deux extrêmes que sont les « matinaux » et les « oiseaux de nuit » 13. Les adolescents ayant des chronotypes plus tardifs ont tendance à avoir un temps de sommeil insuffisant : ils se couchent plus tard et, contraints par les horaires scolaires, se lèvent tôt. Une étude récente a mis en évidence que les adolescents avec un chronotype plus tardif étaient davantage enclins à sauter le petit-déjeuner : leur « heure naturelle » pour le prendre arrive plus tard, et ils n’ont donc pas faim avant de partir à l’école 14.

Ces quelques résultats mettent en évidence l’importance de considérer conjointement sommeil et habitudes alimentaires, en développant des actions visant à augmenter le temps de sommeil et à réduire la fatigue matinale. Ceci, afin de promouvoir la prise régulière du petit-déjeuner auprès des adolescents.

Le fait de se sentir fatigué le matin peut cependant avoir des causes variées : cela peut, par exemple, être lié à une consommation trop importante d’alcool ou de tabac 15, ou à des problèmes relationnels et psychosociaux 16. D’où la complexité d’aborder cette problématique lors d’actions de prévention.

En ce qui concerne le temps de sommeil, des études ont montré que retarder l’heure de début des cours constituait un facteur modifiable pouvant être bénéfique pour une grande proportion des adolescents, notamment en ce qui concerne la consommation du petit-déjeuner 17. Enfin, étant donné le rôle du chronotype individuel sur les habitudes alimentaires, l’accent ne devrait pas être mis sur le fait de prendre un petit-déjeuner « avant de partir à l’école » uniquement, mais plutôt d’encourager la consommation d’un premier repas d’une composition favorable à la santé, quel que soit le moment de sa consommation le matin.

Notes et références

  1. Rampersaud, G.C., Pereira, M.A., Girard, B.L., Adams, J., Metzl, J.D. Breakfast habits, nutritional status, body weight, and academic performance in children and adolescents. J Am Diet Assoc 2005, 105, 743-760. ↩︎
  2. Lebacq, T., Pedroni, C., Desnouck, V., Holmberg, E., Moreau, N., Dujeu, M., Castetbon, K. Alimentation, activité physique, sédentarité et sommeil. Comportements, santé et bien-être des élèves en 2018 – Enquête HBSC en Belgique francophone. Service d’Information, Promotion, Éducation Santé (SIPES), École de Santé Publique, Université libre de Bruxelles. 2019. 64 pages. Disponible sur : http://sipes.ulb.ac.be/ ↩︎
  3. Lebacq, T., Dujeu, M., Desnouck, V., Holmberg, E., Moreau, N., Pedroni, C., Castetbon, K. Evolutions au cours des années d’enquête. Comportements, santé et bien-être des élèves en 2018 – Enquête HBSC en Belgique francophone. Service d’Information, Promotion, Education Santé (SIPES), École de Santé Publique, Université libre de Bruxelles. 2020. 52 pages. Disponible sur : http://sipes.ulb.ac.be/ ↩︎
  4. Shaw, M.E., Adolescent breakfast skipping: an Australian study. Adolescence 1998, 33, 851-861. ↩︎
  5. Mullan, B., Wong, C., Kothe, E., O’Moore, K., Pickles, K., Sainsbury, K. An examination of the demographic predictors of adolescent breakfast consumption, content, and context. BMC Public Health 2014, 14, 264. ↩︎
  6. Pearson, N., Biddle, S.J., Gorely, T. Family correlates of breakfast consumption among children and adolescents. A systematic review. Appetite 2009, 52, 1-7. ↩︎
  7. Chaput, J.P. Sleep patterns, diet quality and energy balance. Physiol Behav 2014, 134, 86-91. ↩︎
  8. Cf. 7 ↩︎
  9. L’ensemble des résultats de l’étude HBSC sont disponibles sur le site du SIPES : https://sipes.ulb.ac.be/ ↩︎
  10. Cf. 2 ↩︎
  11. Cf. 2 ↩︎
  12. Roßbach, S., Diederichs, T., Nöthlings, U., Buyken, A.E., Alexy, U. Relevance of chronotype for eating patterns in adolescents. Chronobiol Int 2018, 35, 336-347. ↩︎
  13. Cf. 12 ↩︎
  14. Cf. 12 ↩︎
  15. Tynjala, J., Kannas, L., Levalahti, L. Perceived tiredness among adolescents and its association with sleep habits and use of psychoactive substances. J Sleep Res 1997, 6, 189-198. ↩︎
  16. Due, P., Holstein, B.E., Lynch, J., Diderichsen, F., Gabhain, S. N., Scheidt, P., Currie, C. Bullying and symptoms among school-aged children: international comparative cross sectional study in 28 countries. Eur J Public Health 2005, 15, 128-132. ↩︎
  17. Whitaker, R.C., Dearth-Wesley, T., Herman, A.N., Oakes, J.M., Owens, J.A. A quasi-experimental study of the impact of school start time changes on adolescents’ mood, self-regulation, safety, and health. Sleep Health 2019, 5, 466-469.
      ↩︎
facebook linkedin email

Nos dernières ressources pour les Pros publiées