Manger sainement coûte-t-il plus cher ?

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Une alimentation de bonne qualité nutritionnelle est nécessaire à chaque étape de la vie pour rester en bonne santé et prévenir le risque de maladies chroniques qui représentent la première cause de morbidité et mortalité dans le monde 1. La qualité de notre alimentation est soumise à un ensemble d’influences parmi lesquelles on retrouve la publicité, l’étiquetage et l’emballage des produits alimentaires, l’accessibilité physique des magasins et autres lieux d’achats, les goûts individuels, les normes culturelles, la facilité de préparation, ou encore, les considérations de santé 2, 3. Un autre déterminant majeur de nos choix alimentaires est le prix des aliments4, 5. Les études ont montré que, rapportés au nombre de calories qu’ils apportent, les aliments riches en énergie ont tendance à coûter moins chers que les aliments riches en nutriments et pauvres en énergie tels que les fruits et les légumes6, 7.

Nous avons cherché à estimer le coût supplémentaire associé à l’adoption d’une alimentation de bonne qualité nutritionnelle en Belgique. Pour ce faire, nous avons réalisé des analyses sur base des données de l’enquête nationale de consommation alimentaire de 2014 de Sciensano8. Ces données ont été couplées à des données de prix d’aliments collectées auprès d’un panel composé d’environ 5000 ménages belges, pour l’année 2014 également. Les analyses présentées ici ont été réalisées chez les adultes de 18 à 64 ans (n=1158) d’une part et, chez les enfants et adolescents de 5 à 17 ans (n=1596) d’autre part. La qualité de l’alimentation a été évaluée à l’aide de scores de qualité nutritionnelle. Ils sont basés sur les principes de l’alimentation méditerranéenne, à savoir le Kidmed Index 9 pour les enfants et les adolescents et le Mediterranean Diet Score 10 pour les adultes. Nous avons estimé le coût moyen de l’alimentation à 4,68€/jour chez les enfants et adolescents, et à 5,79€/jour chez les adultes (Figure 1).

Le coût de l’alimentation est-il associé à sa qualité nutritionnelle ?

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C’est une question à laquelle de nombreux chercheurs à travers le monde se sont intéressés. Dans la plupart des pays (mais pas tous, comme en Australie 11 par exemple), les régimes alimentaires les plus favorables à la santé avaient tendance à coûter plus cher, quel que soit le groupe d’âge12.
En Belgique, un constat similaire est fait. En effet, nos analyses ont montré que les régimes alimentaires d’une qualité nutritionnelle plus favorable à la santé coûtaient plus cher.

Pour des apports énergétiques égaux, les régimes alimentaires des enfants et adolescents qui se rapprochaient le plus d’une alimentation de type méditerranéen coûtaient 11% plus cher que ceux qui en étaient les plus éloignés, soit une augmentation de 0,48€ par jour (Figure 1). De même, chez les adultes, les régimes alimentaires les plus proches d’une alimentation méditerranéenne coûtaient 7% de plus, soit une augmentation de 0,43€ par jour (Figure 1).

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Tous égaux face aux choix alimentaires ?

L’alimentation est un marqueur important des inégalités sociales de santé. En Belgique, comme dans la plupart des pays industrialisés, la qualité de l’alimentation suit un gradient socioéconomique : les régimes alimentaires favorables à la santé sont davantage observés dans les groupes socio-économiques plus élevés 13. Une des explications qui a été avancée pour expliquer ce gradient social est le prix des aliments14. Ce dernier serait le principal facteur guidant les achats alimentaires des personnes ayant de faibles moyens financiers ; alors que les considérations de santé orienteraient les choix des personnes plus aisées 15. Pour les populations précarisées, les différences de prix entre les aliments plus et moins favorables à la santé peuvent être un obstacle à l’adoption d’une alimentation globalement favorable 16. Dans les études épidémiologiques, le niveau socio-économique des participants est généralement évalué à l’aide d’au moins l’un des trois indicateurs suivants, à savoir les revenus, la profession ou le niveau d’éducation, ce dernier étant l’indicateur utilisé dans notre étude.

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Nos analyses ont montré que la qualité nutritionnelle et le coût des régimes alimentaires étaient tous deux significativement plus élevés dans les niveaux d’éducation plus élevés (Figure 2).

Chez les enfants et adolescents, le coût moyen journalier de l’alimentation était de 4,08€ chez ceux ayant des parents de niveau d’éducation secondaire ou inférieur. Il était plus élevé de 0,59€/jour dans le niveau supérieur de type court, et de 0,78€/jour dans le niveau supérieur de type long par rapport au niveau secondaire ou inférieur.

Chez les adultes, le coût de l’alimentation était de 5,68€ par jour chez les participants de niveau d’éducation secondaire ou inférieur, et était plus élevé de 0,27€ par jour chez les participants ayant fait des études supérieures de type court. La différence de coût entre les participants de niveau secondaire ou inférieur et de niveau supérieur de type long n’était pas statistiquement significative (Figure 2).

Par ailleurs, toujours chez les adultes, nous avons observé que l’association entre qualité nutritionnelle et coût de l’alimentation était différente en fonction du niveau d’éducation du participant. En effet, chez les participants de niveau secondaire ou inférieur, le coût de l’alimentation était plus élevé de 0,73€ par jour chez ceux dont l’alimentation était la plus proche du régime méditerranéen par rapport à ceux qui en étaient le plus éloignés (Figure 3). Cependant, il n’y avait pas de différence de coût statistiquement significative en fonction de la qualité nutritionnelle de l’alimentation, chez les participants ayant fait des études supérieures (données non présentées).

Ces résultats suggèrent que le prix des aliments est plus susceptible d’influencer la qualité de l’alimentation des personnes de faible niveau d’éducation. Pour ces personnes, l’adoption d’un régime alimentaire plus favorable à la santé entrainait une différence significative de coût, ce qui n’était pas le cas chez les personnes de niveau d’éducation supérieur, qu’elles mangent sainement ou non. Cependant, le nombre de participants ayant un niveau d’éducation supérieur était relativement faible. Par conséquent, ces résultats mériteraient des analyses complémentaires sur de plus grands échantillons.

Pour conclure, nous avons montré qu’en Belgique, l’adoption d’une alimentation favorable à la santé entrainait une augmentation du coût d’environ 0,50€/jour. De plus, les différences de coût que nous avons observées en fonction du niveau d’éducation confirment l’existence d’inégalités sociales en matière d’alimentation dans notre pays. Ces résultats soutiennent le développement de politiques et actions de santé publique visant à réduire ces inégalités et permettre à tous les Belges, quel que soit leur statut socioéconomique, d’accéder à une alimentation favorable à la santé.

Notes et références

  1. Bennett JE, Stevens G A, Mathers CD, Bonita R, Rehm J, Kruk ME, et al. NCD Countdown 2030: worldwide trends in non-communicable disease mortality and progress towards Sustainable Development Goal target 3.4. Lancet. 2018;392:1072-88. ↩︎
  2. Leng G, Adan RAH, Belot M, et al. The determinants of food choice. Proc Nutr Soc. 2017;76:316-27. ↩︎
  3. Das JK, Salam RA, Thornburg KL, Pet al. Nutrition in adolescents: physiology, metabolism, and nutritional needs. Ann N Y Acad Sci. 2017;1393:21-33. ↩︎
  4. Cf.2 ↩︎
  5. Cf.3 ↩︎
  6. Drewnowski A. The cost of US foods as related to their nutritive value. Am J Clin Nutr. 2010;92:1181-8. ↩︎
  7. Maillot M, Ferguson EL, Drewnowski A, Darmon N. Nutrient-dense food groups have high energy costs: An econometric approach to nutrient profiling. J Nutr. 2008;138:1107-13. ↩︎
  8. Bel S, Lebacq T, Ost C, E Teppers. Rapport 1 : Habitudes alimentaires, anthropométrie et politiques nutritionnelles. Résumé des principaux résultats. In : Ost C, Tafforeau J. (ed.). Enquête de consommation alimentaire 2014-2015. WIV-ISP, Bruxelles, 2015. ↩︎
  9. Serra-Majem L, Ribas L, Ngo J, et al. Food, youth and the Mediterranean diet in Spain. Development of KIDMED, Mediterranean Diet Quality Index in children and adolescents. Public Health Nutr. 2004;7:931-5. ↩︎
  10. Sofi F, Macchi C, Abbate R, Gensini GF, Casini A. Mediterranean diet and health status: an updated meta-analysis and a proposal for a literature-based adherence score. Public Health Nutr. 2014;17:2769-82 ↩︎
  11. Lee AJ, Kane S, Ramsey R, Good E, Dick M. Testing the price and affordability of healthy and current (unhealthy) diets and the potential impacts of policy change in Australia. BMC Public Health. 2016;16:315. ↩︎
  12. Rao M, Afshin A, Singh G, Mozaffarian D. Do healthier foods and diet patterns cost more than less healthy options? A systematic review and meta-analysis. BMJ Open. 2013;3:e004277. ↩︎
  13. Darmon N, Drewnowski A. Does social class predict diet quality? Am J Clin Nutr. 2008;87:1107-17. ↩︎
  14. Aggarwal A, Monsivais P, Cook AJ, Drewnowski A. Does diet cost mediate the relation between socioeconomic position and diet quality? Eur J Clin Nutr. 2011;65:1059-66. ↩︎
  15. Konttinen H, Sarlio-Lahteenkorva S, Silventoinen K, Mannisto S, Haukkala A. Socio-economic disparities in the consumption of vegetables, fruit and energy-dense foods: the role of motive priorities. Public Health Nutr. 2013;16:873-82. ↩︎
  16. Cf. 13 ↩︎
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