Comment nos décideurs politiques pourraient agir sur nos environnements alimentaires et favoriser les choix qui améliorent notre santé ?

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Comment choisissons-nous ce que nous mangeons ? Quel est le lien entre environnements alimentaires et choix ?

Est-ce que nos choix alimentaires favorisent notre santé ?

Comment les autorités publiques ont le pouvoir d’agir pour favoriser des environnements alimentaires sains et laccès à une alimentation nutritive, de qualité et favorable à la santé de toutes et tous ?

Encadrer la publicité alimentaire, soutenir les acteurs de l’alimentation saine et durable, limiter l’implantation de points de vente proposant une alimentation peu nutritive, souvent qualifiée de « malsaine », réguler pour offrir davantage d’informations sur les produits aux consommateurs, pour mieux savoir ce que nous mangeons… Voici quelques exemples pour lesquels les autorités publiques peuvent agir en faveur de la santé publique. Explorons ces notions et solutions.

Comment choisissons-nous ce que nous mangeons ?

Chaque jour nous décidons de ce que nous mettons ou non dans nos assiettes. Ce choix se fait sur base de plusieurs éléments1 comme le prix des aliments et notre possibilité de les acheter, de les transporter, leur disponibilité à proximité de chez nous, la saveur, l’origine des aliments, ou encore notre culture et la société dans laquelle nous vivons, qui influencent nos goûts personnels, ainsi que nos décisions.

1Eurobaromètre spécial 97.2 – Belgique : « La sécurité alimentaire dans l’UE » mars – avril 2022

Dans notre pays, l’alimentation relève de systèmes complexes et intégrés à la fois à l’échelle locale, nationale et internationale. De nombreux acteurs prennent part à l’offre qui nous est proposée : les entreprises de l’industrie agroalimentaire, les grands distributeurs, les magasins alimentaires et les producteurs notamment, si bien qu’il peut être difficile de connaître leurs relations et les mécanismes qui déterminent ce qui est possible d’acheter, ce qu’il y a dans les rayons des magasins. Il est aussi parfois compliqué de nous situer en tant que consommateur avec les différentes options envisageables à notre portée.

La question du choix est souvent présentée comme relative aux individus, pourtant dans ce système interconnecté, les individus ou les consommateurs n’ont pas toujours toutes les possibilités pour être pleinement acteurs de leurs choix. Le prix, la disponibilité des produits, ne sont pas des éléments sur lesquels nous avons une action de manière individuelle.

Qu’est-ce que les environnements alimentaires ?

Nos croyances, nos habitudes, nos connaissances et les imaginaires existants sur ce que nous aimons ou voulons consommer vont aussi avoir une influence sur ce que nous mettons dans nos assiettes de manière individuelle ou collective. Les aspects liés aux changements climatiques et à la production mondiale et locale ont un impact également.

Ainsi nos décisions concernant la nourriture que nous consommons, proviennent aussi de ce que l’on appelle les environnements alimentaires2. Ce sont les différents éléments et espaces qui nous amènent à faire des choix, à décider de notre alimentation, que ce soit :

  • avec nos possibilités économiques : nos revenus et le prix des aliments,
  • la disponibilité dans les lieux où nous achetons ainsi que l’accès géographique pour acheter les produits,
  • les normes et représentations sociales visibles,
  • les méthodes et manières de présenter, de vendre les aliments par les industries agroalimentaires, les distributeurs et magasins, ou encore les producteurs.

Il y a aussi la manière dont nous mangeons : comment nous consommons les produits, comment nous les cuisinons ou non, à quel moment, dans quels endroits et avec qui.3

Est-ce que nos choix alimentaires favorisent notre santé ?

Une récente publication de Sciensano : Enquête de consommation alimentaire 2022-20235, rappelle que « la majorité de la population en Belgique ne répond pas aux recommandations alimentaires établies par le Conseil Supérieur de la Santé. » La population belge ne consomme pas suffisamment d’aliments favorables à la santé : c’est à dire de produits à base de céréales complètes, de légumes, de fruits, de légumineuses, de fruits à coque, de lait et de produits laitiers, notamment. Ainsi nous mangeons en excès de la nourriture qui est souvent qualifiée de malsaine : une alimentation avec des quantités trop importantes de viande rouge, de graisses saturées, de sucres ajoutés et de produits industriels ultra-transformés. Un nombre important de maladies non transmissibles comme l’obésité, les maladies cardiovasculaires, le diabète et certains cancers pourrait être évité6 en adoptant une alimentation favorable à la santé.

Les environnements alimentaires prennent une part essentielle dans la prise de décision de nos choix alimentaires, il faudrait donc que l’alimentation favorable à la santé puisse être mise en avant, qu’elle soit accessible et qu’elle soit ressentie comme agréable et attrayante7 pour la majorité de la population.

Quel rôle et quel pouvoir ont les autorités publiques sur nos choix alimentaires ?

D’après l’Organisation Mondiale de la Santé – OMS : « Les gouvernements ont un rôle central à jouer pour créer un environnement alimentaire sain permettant aux populations d’adopter et de maintenir des pratiques alimentaires bénéfiques pour leur santé. »8

Et lorsque l’on parle de santé humaine, on parle aussi de santé de la planète avec des systèmes favorisant l’alimentation dite durable, qui respecte les écosystèmes, le vivant et la planète dans sa globalité au sein d’une approche « Une seule santé9 ». L’alimentation favorable à la santé est donc également durable comme présentée par l’OMS et l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture – FAO10 :

« Les régimes alimentaires sains et durables sont des habitudes alimentaires qui promeuvent toutes les dimensions de la santé et du bien-être des individus. »

Les autorités publiques devraient pouvoir agir et fixer un cadre légal, incitatif et réglementaire qui permettrait de promouvoir cette approche une seule santé de l’alimentation.

Quelles mesures précises mettre en place pour faire évoluer nos environnements alimentaires ?

Sciensano en collaboration avec la KU Leuven ont publié un rapport11 en mai 2025 donnant des clés et des propositions concrètes à implémenter par les décideurs politiques en Belgique. Ces propositions ont pour objectif de guider les instances politiques pour que la population belge puisse bénéficier d’un cadre favorable afin d’effectuer des choix alimentaires davantage bénéfiques pour sa santé.

Ce rapport est le fruit d’un travail d’évaluation préalable qui a permis d’observer les aspects réglementaires envisageables pour chaque niveau de compétences allant du pouvoir fédéral, au pouvoir régional, à celui des communautés, ainsi que des actions transversales pour les différents niveaux des pouvoirs publics.

Ainsi après avoir cartographié les mesures et les instruments politiques possibles, puis évalué ces éléments par des panels d’experts, qui ont pu à leur tour effectuer des recommandations, puis finalement effectuer une hiérarchisation, plus de 150 actions ont été formulées dont 31 principales mises en avant à destination des autorités publiques.

La fragmentation et l’imbrication des pouvoirs politiques, ainsi que des compétences respectives, représentent un défi pour parvenir à agir sur les environnements alimentaires. Ces propositions sont donc un guide pratique pour favoriser des environnements alimentaires sains.

Il est précisé également dans ce rapport qu’une collaboration et une coordination entre les différents niveaux de pouvoir, ainsi qu’un travail horizontal avec l’ensemble des secteurs est nécessaire.

Environnements alimentaires Manger Bouger rapport Sciensano de la fragmentation à la transformation
Environnement alimentaires encadrer action publique Manger Bouger

Quel est le lien entre environnements alimentaires et inégalités sociales ?

Transformer les environnements alimentaires, semble donc une nécessité pour la société. Cette transformation peut être mise en œuvre par le biais de stratégies et de réglementations politiques. Miser davantage sur l’aspect collectif plutôt que sur les initiatives et les choix individuels semble plus équitable, car les choix sont conditionnés par des cadres qui dépassent les seuls individus et cela fait alors moins peser le poids du changement sur les personnes et en particulier sur ceux qui sont moins bien armés pour le faire.13

Environnements alimentaires manger bouger réglementer

Les inégalités en matière d’alimentation, outre celles basées sur les revenus et sur les possibilités financières trouvent également un terrain dans ce qui est appelé les « déserts alimentaires14 », qui sont des zones dans lesquelles ne sont pas suffisamment présents les aliments sains. Nous pouvons également évoquer les « bourbiers alimentaires » aussi appelés « marécages alimentaires », qui sont des zones où la nourriture qui nuit à la santé et qui n’est pas durable est très présente, même majoritaire.

L’offre alimentaire influence ce qu’il y a dans nos assiettes : la répartition des points de vente proposant des aliments sains et durables, les déserts et marécages alimentaires maillant le territoire belge, creusent les inégalités car leur répartition est souvent liée au statut socio-économique des territoires15, ce qui perpétue et engendre les inégalités alimentaires et de santé.

Il appartient alors aux pouvoirs publics de favoriser des environnements alimentaires sains et durables pour l’ensemble de la population avec des mesures visant à réduire les inégalités sociales et alimentaires.

Pourquoi les autorités publiques doivent-elles reconnaître leur responsabilité dans la régulation des environnements alimentaires?

Les rapports présentant les attentes en matière de régulation ne manquent pas au niveau international, ou même européen. Citons par exemple le rapport « FAO, FIDA, UNICEF, PAM et OMS. 2020. Résumé de L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2020. Transformer les systèmes alimentaires pour une alimentation saine et abordable. Rome, FAO».

Ou encore les différents rapports visant à proposer une régulation du marketing, de la publicité et des pratiques commerciales alimentaires visant plus spécifiquement les enfants et adolescents : « HFSS Food marketing targeting children », SAFE janvier 2025 et quelques temps auparavant, le rapport du Conseil Supérieur de la Santé CSS belge N° 9527 « Réduire l’exposition des enfants y compris des adolescents aux aliments malsains par le biais des médias et du marketing en Belgique » qui date d’août 2022.

Tous ces rapports suggèrent une régulation des environnements alimentaires, plutôt qu’une autorégulation des acteurs commerciaux qui n’est pas suffisante. Les résultats économiques des acteurs commerciaux dictent inévitablement le cadre de leurs offres alimentaires et les moyens d’augmenter leurs bénéfices financiers.

Par exemple, les « fast food » prévoient de nouvelles ouvertures : 250 nouveaux établissements dans les cinq ans en Belgique, hors friteries, kebabs et autres snacks indépendants16, d’après L’Écho et De Tijd (août 2025), s’ajoutant aux 1 019 établissements déjà existants et d’après également les chiffres de la fédération des grands acteurs de l’horeca, Foodservice Alliance. Ces restaurants proposent des formules pour tous les moments de la journée à des prix très attractifs.

Les moyens mis en œuvre par les acteurs commerciaux pour être attrayants sont efficaces, comme le présente le chiffre du rapport de Sciensano de 2022 et 2023 : « Trois enfants sur dix demandent à leurs parents d’acheter des aliments ou des boissons défavorables à la santé dont l’emballage affiche des personnages de films, de séries télévisées ou d’entreprises alimentaires. »17

Est-ce que d’autres gouvernements ont déjà régulé ?

En Europe et dans le monde, les gouvernements prennent des mesures pour tenter de limiter la consommation d’aliments non favorables à la santé et en particulier à destination des enfants.

  • La Norvège a interdit en avril 2025 les publicités pour les aliments et les boissons « malsains » destinées aux jeunes de moins de 18 ans. Cette interdiction concerne des produits comme les bonbons, les sodas, les glaces et les boissons énergisantes, qui sont riches en sucre, en sel ou en matières grasses. La loi s’appuie sur des règles volontaires antérieures, mais prévoit désormais de véritables sanctions en cas de non-respect. Une période de transition de 6 mois est prévue jusqu’à fin octobre 2025.20
  • Le Royaume-Uni a commencé à réglementer dans les différentes nations du pays21. En Angleterre, déjà depuis 2022, des interdictions concernent les produits trop gras, sucrés ou salés, qui ne peuvent plus être mis en avant dans les rayons, en tête de gondole et à l’entrée des magasins. Ces mêmes produits sont interdits à moins de deux mètres des caisses et des files d’attente. Les promotions du type « deux pour le prix d’un » sont limitées. À partir d’octobre 2025, la publicité pour des aliments de mauvaise qualité nutritionnelle sera interdite jusqu’à 21 h à la télévision ainsi que dans les contenus sponsorisés en ligne à toute heure.
  • Au Canada et surtout dans la province de Québec, l’interdiction de la publicité a été mise en place, y compris pour les aliments et les boissons, destinée aux enfants de moins de 13 ans et quel que soit le support utilisé : télévision, radio, presse écrite, Internet, téléphones portables, articles promotionnels.
  • Au Chili, au Mexique, en Argentine, au Brésil, au Portugal, à Taiwan, en Corée du Sud, d’autres interdictions et régulations ont été prévues comme par exemple : l’interdiction du parrainage et de la publicité faite par des célébrités, ou l’interdiction des mascottes de type dessin animés sur les emballages alimentaires, ou l’interdiction du sponsoring et du placement de produits avant, pendant et après des programmes et émissions de télévision destinés aux enfants, ou encore l’interdiction de la promotion des jouets gratuits offerts avec les repas, également le code de défense des consommateurs au Brésil, considère comme abusive toute publicité ou technique de communication commerciale qui tire profit du jugement et de l’expérience de l’enfant ou qui incite les consommateurs à faire des choix de santé préjudiciables.
  • En France, une mesure a été prise pour interdire l’offre à volonté de boissons sucrées dans la restauration. D’autres pays cherchent aussi à réduire la taille des portions des aliments transformés dans les offres proposées par la restauration, comme en Australie, Espagne, Finlande, Irlande, Royaume-Uni, Pays-Bas pour améliorer l’offre alimentaire. Il est aussi question d’inciter à reformuler les aliments transformés22.

En tant que citoyen est-il possible d’agir ?

Un autre type d’initiative, cette fois-ci issue de la société civile peut être source d’inspiration : Un mouvement de jeunes britanniques nommé BiteBack interpellent les décideurs politiques23, pour qu’ils régulent et fixe des normes concernant la publicité alimentaire à destination des jeunes et des enfants. Ils envoient des messages également aux multinationales de l’agroalimentaire pour qu’ils produisent des produits plus sains pour la santé.
Neuf maires britanniques se sont alors engagés à interdire la publicité pour la malbouffe dans les réseaux de transports publics et les espaces publics qu’ils contrôlent.
Ils ont également mis en place un outil permettant à chacun et chacune de voir combien d’établissements de « fast food » côtoient les écoles à partir du code postal de la commune.24

D’un point de vue citoyen, à Bruxelles nous pouvons souligner les propositions de l’Assemblée citoyenne pour le climat afin de réglementer les espaces publicitaires régionaux, et de réaliser des campagnes de sensibilisation dans les espaces publicitaires régionaux.25
Également, FIAN Belgique, une association sans but lucratif qui défend le droit à l’alimentation pour tous et toutes et qui au travers de publications et d’événements lutte contre les environnements alimentaires néfastes. Leurs équipes ont ainsi réalisé plusieurs publications dont une étude « Interdire la publicité pour la Malbouffe – Analyse des compétences et des possibilités de réglementation du marketing alimentaire en Belgique » , ou encore BEET the system ! 2024 « Nos assiettes sous influence : Reconquérir notre alimentation face au diktat de la malbouffe ».

Ils ont également été auditionné par le Parlement de la région de Bruxelles-Capitale pour une proposition de résolution afin d’envisager la réalisation du droit à l’alimentation.26

Des événements sont organisés comme des cafés débats, des ateliers ouverts à toutes et tous.

*FAO. 2023. Résumé de La Situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture 2023. Pour une transformation des systèmes agroalimentaires : connaître le coût véritable des aliments. Rome.

Finalement les environnements alimentaires ont des impacts majeurs à prendre en compte et à faire évoluer

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Les environnements alimentaires jouent un rôle fondamental dans notre alimentation quotidienne, sur les choix que nous pouvons faire. L’OMS pointe depuis plusieurs années l’impact de l’alimentation sur les maladies non transmissibles et notamment via des régimes alimentaires peu équilibrés. L’OMS précise aussi que les pouvoirs publics ont la capacité de réguler et d’agir en faveur de la santé publique. Les choix alimentaires sont orientés par les systèmes économiques qui influencent l’offre disponible. Finalement il est indispensable d’avoir une vision large à l’échelle collective d’un élément qui concerne le quotidien de chaque famille, de chaque individu. Et ceci d’autant que notre alimentation possède des coûts cachés : sanitaires, environnementaux, sociaux, qui ont un impact pour nous et nos sociétés.

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